Cartes postales.

2016, En voiture, entre Mexico et Montréal

En voiture, sur ma droite le temps déroule ses bas côtés. Au Mexique la terre appartient à une poignée, les bords de routes à la majorité. Villages balafrés, autoroutes cicatrices goudronnées indélébiles qui poissent et s’imposent, qui opposent l’école et la maison de l’autre côté, 50 mètres à traverser plus dangereux que le Rio Grande en amont asséché par les big dams, les réservoirs construits par Oncle Sam.

USA, le désert aux serpents, State Troopers qui hantent les chemins en bordure de frontière, lunettes noires Robocop, salaire après 4 ans: 80 000 $, soit huit ans de labeur pour un travailleur aux champs. Tall Grass plantées de bisons comme des rochers sombres. Un grand géocoucou traverse. Animaux écrasés, opossums, tatous, vautours éclatés par les trucks 35 tonnes aveugles et agressifs, frères des supertankers du pacifique. Texas Wal-Mart, Missouri Wal-Mart, Oklahoma Wal-Mart, Illinois Wal-Mart, Mississipi Wal- Mart. Le soir, villes éviscérées, bars néons, postes à essence, hotdog, nourriture beige emballée, motels beiges, moquettes beiges désinfectées. 

Saint-Louis, de l’autre côté du Missouri les arbres poussent sur les murs de céramique blanche des théâtres hantés par des hommes, noirs fantômes. Chicago, mirage notable sur lac bleu tropical, splendeur architecturale, iniquité viscérale. 

Canada, ici aussi la misère jamais loin, mais plus calme, civilisée. Granges rouges, à qui sont ses champs qui n’en finissent plus ? Gros chars, deux ou trois, chacun le sien, maison mobiles comme le grand frère, peuple immobile. Le Canada n’invente rien ? Mort à crédit quand tu nous tiens tu ne nous lâches plus.